Dernier épisode : prendre sa place, par Anne Bianchi – Grazia France

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Anne Bianchi décide de recréer sa vie. 
Juin 2016. Un couvent construit au IVe siècle en haut d’un chemin de pèlerinage grimpant entre les montagnes des Apennins, l’épine dorsale de l’Italie, et devenu un ashram tenu par un couple de yogis, disciples de la première heure de Yogi Bhajan, le maître du kundalini yoga. C’est ici, à Yoga Borgo, que j’ai décidé d’effectuer mon premier « teacher training ». Pour autant, l’idée d’enseigner n’a pas encore fait son chemin en moi. Lors de la présentation collective, je déclare, intimidée, que je suis ici pour approfondir ma pratique, pas pour devenir professeur.

Je n’ai pas opté pour l’Italie par hasard. Mes racines se nourrissent de cette terre que mes ancêtres ont quittée à une période sombre, et j’ai toujours ressenti profondément ce lien sacré des origines. Décision à la fois consciente et inconsciente, j’étais poussée par quelque chose d’un peu surnaturel à venir ici. Pour autant, pas simple pour moi de me confronter au groupe, aux enseignements rigoureux et aux contraintes de la vie en communauté. Je me heurte de nouveau à des expériences douloureuses de mon enfance, la solitude, la peur d’être jugée, incomprise, que j’ai souvent ressenties à l’école. Le collectif, dans le positif comme dans le négatif, amplifie nos schémas individuels. Cerise sur le gâteau, j’ai choisi une formation en anglais, la barrière de la langue venant exacerber mes blocages. Avec le recul, je comprends aujourd’hui que, pour pouvoir les libérer, les dissoudre, j’avais besoin de me confronter à ces peurs d’enfant.
En revanche, depuis l’enfance aussi, j’ai cette volonté de « m’atteler à la tâche ». A 43 ans, ma soif d’apprendre, de grandir, de savoir, est intacte, je bois les paroles de mes enseignants, des grands maîtres, des sages. J’absorbe comme une éponge. Un après-midi, dans un cours sur la numérologie tantrique, mon chiffre de vie apparaît, c’est le 5. En yoga, il symbolise le corps physique. Nos chiffres de naissance parlent de notre incarnation, de notre réalisation personnelle. Le 5 correspond à l’enseignant. Il fait écho à d’autres mémoires et d’autres langages symboliques.
En hébreu, mon prénom, « Hannah », signifie la grâce, et on prête à celles qui le portent le don d’éduquer, d’initier. La graine est plantée. De retour à Paris, je croise par hasard une femme rencontrée lors d’une retraite de kundalini quelque temps auparavant. Une personne forte et volontaire que j’admire. Quand je lui raconte la formation que je suis, elle me demande illico de lui donner des leçons privées.
Je me souviens que j’avais encore peur. Peur de ne pas être à la hauteur. Mais j’ai sauté. Et commencé mon nouveau métier. Monica, Fatou, Isabelle, Lili, Elsa, Virginie, Vinida…
Mes premières élèves ont vite été rejointes par d’autres, et d’autres encore. Toutes celles et ceux qui arrivent jusqu’à moi pour s’allonger sur ce tapis de yoga me font penser à moi, à un moment de ma vie. Ils cherchent leur vérité, leur essence, ce que l’on nomme en kundalini le « sat nam », qui est le soi, cette identité illimitée, infinie, sacrée, dont parle Jung. Dès les premiers cours que j’ai donnés, j’ai su que c’était ce que je voulais faire tous les jours du reste de ma vie. Que c’était bien plus qu’un métier. J’ai pris ma place. Ma juste place.
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